Les Grecs iront se faire voir chez les autres

Tous les aficionados d’Aléxis Tsípras en sont pour leurs frais. On nous l’annonçait comme le héraut de la souveraineté grecque, le voici VRP de la cause euro. Après des semaines de mélodrame continental, tout est finalement redevenu comme avant. Et dans six mois, on prend les mêmes et on recommence.

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Le 5 juillet dernier, les Grecs ont participé à un jeu de rôle grandeur nature. Il s’agissait pour eux de ressentir, l’espace d’une journée, ce dont faisaient l’expérience leurs illustres ancêtres lorsqu’ils s’interpellaient mutuellement sur une conduite à tenir. Mais alors que ces derniers étaient citoyens investis, nos contemporains ne sont que les sujets résolus d’une SARL transnationale.

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La grande erreur à ne plus commettre est de parler de crise « économique », car c’est bien plus grave que ça. On retrouve en effet dans le dossier grec tous les éléments de l’impasse civilisationnelle que traverse aujourd’hui l’Occident : déni de souveraineté, putasserie de la représentation, irresponsabilité générale, dégoût que suscite un personnel politique corrompu, économisme propre à la démocratie libérale, mainmise de la finance, boulimie consumériste et carence en valeurs communes. Une bombe à retardement qu’il n’est à la portée d’aucun économiste de désamorcer. Une faillite anthropologique.

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Ce sont bel et bien nos modes de vie qu’il faut interroger, ne plus faire de la démocratie un modus vivendi, mais un modus operandi, ce qui implique de confier le pouvoir à de vrais gens, des gens ordinaires placés dans une situation extraordinaire, quitte à ce qu’ils échouent de bonne foi. Et fi des mercenaires de la finance ! L’Athènes classique accolait à cela la rotation des charges et la reddition de comptes, afin de ne pas faire d’un piédestal une tour d’ivoire, d’un sacerdoce un filon comme c’est le cas de nos jours. C’est un changement qui s’imposera tôt ou tard dans nos gouvernements moribonds comme la seule alternative au régime autoritaire qui, dans le désarroi actuel, pend au nez de nombre d’Européens.

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Ce n’est pas ce qu’Aléxis Tsípras avait en vue, et il n’est même pas certain qu’il ait songé une seconde à la souveraineté de son pays. Il est issu des rangs de l’extrême gauche et, comme ses pairs, les considérations économiques et sociales auront toujours plus de poids à ses yeux que la verticalité des questions d’autorité et d’autonomie. Il n’est pas impossible que Tsípras ait troqué le semblant de démocratie permis au niveau national contre quelques années d’emplettes supplémentaires au sein du village global, histoire d’en mutualiser les frais en allant se faire voir chez les autres, ce que son peuple, désabusé, acceptera sans broncher. Jusqu’à la nouvelle « crise ».

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Le spectateur français aura peut-être le sentiment qu’on se fout ouvertement de lui depuis plusieurs semaines, qu’il a le mou tout bourré à force d’entendre parler du drame du siècle et de ne voir venir qu’un éternel statu quo, que le « Grexit » n’est qu’une de ces pièces de théâtre dont nos costumes trois pièces ont le secret, comme le sont au niveau local la fausse alternance gauche-droite ou au niveau mondial la lutte contre l’axe du Mal.nPauvre de lui ! Que lui répondre ? Bienvenue au club.